Par Claude Volery, directeur de Plus Sept Consulting sàrl
Pas de concession sans contrepartie : un principe essentiel pour négocier efficacement
Pour négocier efficacement, le professionnel expérimenté ne fait pas de concession sans contrepartie. S’il est souvent plus confortable d’accepter une requête de la partie adverse sans lui demander de compensation, c’est une attitude soumise qui compromet l’issue de la négociation, qui désavantage le négociateur et qui provoque un rapport de force déséquilibré.
Pas de concession sans contrepartie
- Négocier = Confronter ≠ Vendre.
- Aucune raison valable ne justifie l’abandon d’une contrepartie.
- Le sacrifice est une exception s’il est motivé par un gain tactique.
- Celui qui veut négocier efficacement ne fait pas de concession sans contrepartie.
Négocier n’est pas argumenter
Argumenter dans le but de persuader un client que son produit est meilleur ou que son offre est plus compétitive ne relève pas de la négociation. C’est une démarche de vente pure, sans réelle confrontation, où l’on tente de convaincre la partie adverse par un jeu d’arguments et de contre-arguments.
Il y a véritablement négociation lorsqu’un acheteur et un vendeur soutenant des positions initialement divergentes se confrontent afin de trouver un terrain d’entente et une solution satisfaisante pour chacun. Les parties cherchent alors à obtenir un maximum d’avantages de leur adversaire en faisant un minimum de compromis. Le processus de négociation se termine une fois l’accord trouvé.
Ainsi, par définition, la négociation est un échange de concessions qui permet d’aboutir à un accord. Et qui dit échange, dit forcément contrepartie!
L’importance stratégique de la contrepartie
La négociation est l’étape ultime de l’entretien de vente. Le commercial a préalablement convaincu son client avec ses arguments et le fait même de se trouver en phase de négociation confirme l’intérêt de l’acheteur pour l’offre du vendeur. La négociation témoigne de l’objectif commun aux deux parties de trouver un accord et de travailler ensemble. Le jeu des concessions-contreparties permet alors de se rapprocher l’un de l’autre et de trouver la solution satisfaisante souhaitée.
Pour les raisons suivantes, le commercial qui sait négocier efficacement ne fait pas de concession sans contrepartie:
- La contrepartie est une barrière érigée face aux futures demandes. Après une concession, demander une contrepartie évite une surenchère de “toujours plus” provoquée par la partie adverse. C’est refuser d’entrer dans une spirale de demandes non recevables et d’exceptions qui compromettront finalement l’accord recherché par la négociation.
- La contrepartie limite l’emprise de la partie adverse. La démarche témoigne que nous ne sommes pas d’accord d’entrer dans un rapport de force déséquilibré qui nous contraindrait à accepter n’importe quoi. Le client est roi, bien entendu, mais il ne domine pas.
- Par sa démarche de refuser toute concession non compensée, le commercial se profile comme un négociateur de haut niveau. Il souligne ainsi son professionnalisme, ses compétences et sa cohérence. Les deux parties souhaitent conclure une affaire et seuls des professionnels compétents et engagés sont en mesure d’arriver à un accord, idéalement gagnant-gagnant.
Les risques de la concession sans contrepartie
Dans la pratique, de nombreux motifs incitent le négociateur à faire des concessions sans demander de compensations à la partie adverse. Ce sont généralement de mauvaises raisons qui, de plus, risquent grandement de compromettre l’issue de la négociation.
- Faire une concession sans contrepartie pour améliorer une situation déjà tendue.
Renoncer à demander une contrepartie dans le but de ne pas dégrader un climat déjà défavorable (particulièrement lors d’une négociation soutenue) est la porte ouverte à de futures demandes irrecevables que le négociateur devra tôt ou tard rejeter. Son interlocuteur, habitué jusque-là à un marchandage facile, n’en sera que plus contrarié. La tension entre les deux parties va rapidement augmenter, produisant précisément l’effet inverse de ce qui était recherché par le négociateur. - Faire une concession sans contrepartie pour conserver une bonne relation.
Comme ci-dessus, l’acceptation d’une première requête sans exiger de contrepartie va stimuler son interlocuteur à devenir toujours plus demandeur et à augmenter sa pression. Inévitablement, ses exigences vont se multiplier et la relation va se détériorer. - Ne pas demander de contrepartie pour s’accorder une trêve.
Particulièrement dans une négociation tendue et suite à des demandes insistantes et répétées, le négociateur peut être tenté d’accepter trop facilement une exigence de la partie adverse afin de relâcher temporairement la pression. L’issue sera hélas la même que décrite précédemment, avec une fuite en avant et une perte de contrôle de la situation qui vont stimuler les demandes de la partie adverse. - Faire une concession sans contrepartie pour conclure la négociation plus rapidement.
A l’issue d’une âpre négociation, alors qu’approche enfin l’accord final, il est facile de céder à la facilité de faire une « dernière » concession sans contrepartie afin d’en terminer au plus vite avec la confrontation et de concrétiser la vente. Mais cette démarche conduit inéluctablement à une nouvelle « dernière » demande… puis à une autre! L’accord qui semblait proche est alors reporté et des éléments préalablement négociés risquent d’être abordés une nouvelle fois.
Pas de concession sans contrepartie… même mineure!
Ce n’est qu’au prix d’une préparation minutieuse que le commercial peut négocier efficacement et décider dans le feu de l’action quelle concession il est prêt à faire, dans quel but et moyennant quelle contrepartie: combien coûte la concession, quel en est le bénéfice, y a-t-il une raison stratégique de refuser, le cas échéant quelle est la contrepartie envisageable, etc. Déjà dans la phase de préparation, le négociateur garde toujours à l’esprit qu’il ne fera pas de concession sans contrepartie.
Une contrepartie même mineure est importante, quelle que soit la concession. Il faut souligner qu’une demande insignifiante pour l’un peut avoir une grande importance pour l’autre. Lorsque c’est judicieux, la créativité du commercial et son aisance à évoluer dans la négociation lui permettront de demander une contrepartie notable pour lui bien qu’étant accessoire pour la partie adverse.
Sacrifier une contrepartie afin d’obtenir un avantage décisif
Les joueurs d’échecs connaissent bien le sacrifice, une manoeuvre tactique qui consiste à sacrifier une pièce de moindre importance en vue d’obtenir un avantage ultérieur.
En négociation, certaines situations peuvent également nécessiter un sacrifice et justifier une concession sans contrepartie. Néanmoins, cette démarche doit être tactique de la part du négociateur et réalisée uniquement dans l’objectif d’un gain futur.
Le sacrifice est une pratique courante lorsqu’une équipe de deux négociateurs interagit dans un schéma « bad guy-good guy »: d’entrée de jeu, l’un des intervenants se positionne comme le « good guy », soit le pseudo-allié de la partie adverse, alors que l’autre se comporte comme le « bad guy », l’ennemi. D’entente avec son collègue, le good guy va tactiquement faire une concession et renoncer à sa compensation afin de créer un climat propice à obtenir d’autres avantages. Le bad guy intervient dans une deuxième phase pour faire une demande de compensation plus agressive. Pour négocier efficacement, il est indispensable que les deux intervenants conviennent au préalable de la stratégie à adopter.
Négocier avec efficacité
Par définition, la négociation est une confrontation et un échange de concessions. Mais c’est surtout une phase constructive qui confirme l’intérêt des deux parties à trouver une solution acceptable afin de travailler ensemble. Même si le négociateur ne fait pas de concession sans contrepartie, c’est une démarche à aborder avec un esprit ouvert et positif.
Intervenez-vous prochainement dans une négociation? Quelles concessions seriez-vous prêts à faire et contre quelles compensations? Pas de concession sans contrepartie?